Nous nous intéresserons à un des aspects les plus ancrés dans notre culture occidentale : le placement des couverts sur la table.
En effet, il est de coutume de placer la fourchette à gauche et le couteau à droite de l’assiette, mais pourquoi cette tradition existe-t-elle ?
De quelle époque provient-elle et quels sont les usages qui ont façonné cette règle d’or des arts de la table ?
C’est ce que nous allons découvrir à travers l’exploration des différentes époques et cultures qui ont influencé la manière dont nous dressons nos tables aujourd’hui.
Les origines médiévales de la fourchette et du couteau
La première étape de notre exploration nous amène au Moyen Âge, une période riche en événements et innovations qui ont influencé la manière dont nous mangeons et dressons nos tables.
Avant l’introduction de la fourchette, les hommes utilisaient principalement leurs mains pour porter les aliments à leur bouche. Le couteau, quant à lui, était déjà un instrument bien établi dans les usages, non seulement pour découper la viande, mais aussi pour effectuer diverses tâches du quotidien. Utilisé comme outil polyvalent, le couteau était donc un élément incontournable de la table médiévale.
C’est lors des croisades au XIIe siècle que les Européens découvrent la fourchette, utilisée par les Byzantins pour déguster leurs mets. Ce nouvel ustensile, composé de deux ou trois dents, sert initialement à piquer les morceaux de nourriture, notamment la viande, pour les porter à la bouche sans se salir les doigts.
Ce n’est qu’au XVIe siècle que la fourchette devient un objet commun dans les foyers européens, notamment grâce à l’influence de la cour italienne.
Le choix du placement des couverts sur la table semble découler de la manière dont les gens de l’époque utilisaient ces ustensiles. En effet, étant donné que le couteau était utilisé pour découper les aliments, il était naturel de le placer à droite de l’assiette, puisque la majorité des personnes sont droitières. La fourchette, quant à elle, était utilisée pour tenir les aliments en place pendant la découpe, d’où son positionnement à gauche.
Les influences de la Renaissance et du siècle des Lumières
Après le Moyen Âge, la Renaissance et le siècle des Lumières ont apporté de nombreuses innovations dans les arts de la table, notamment en ce qui concerne le placement des couverts et l’étiquette en général.
- La naissance de l’étiquette : À la Renaissance, les arts de la table deviennent un véritable signe de distinction sociale. Les repas deviennent plus raffinés et les codes de conduite se multiplient. C’est à cette époque que le placement des couverts prend une importance particulière, car il témoigne de l’éducation et du raffinement de l’hôte et des convives.
- La généralisation du service à la française : Au XVIIe siècle, le service à la française s’impose dans les tables européennes, et avec lui, le placement des couverts à chaque place. Auparavant, les convives partageaient souvent les ustensiles, mais avec le service à la française, chaque convive dispose de ses propres couverts, placés autour de l’assiette selon un ordre précis.
- L’influence de la cour de Louis XIV : Le Roi-Soleil était connu pour son amour du faste et du raffinement. Sous son règne, la cour de Versailles devient un exemple à suivre en matière d’étiquette et d’arts de la table. Il est donc probable que le placement des couverts à gauche et à droite de l’assiette, tel que nous le connaissons aujourd’hui, ait été codifié et popularisé à cette époque.
Les apports de la Révolution française et de la modernité
La Révolution française et les changements sociaux qui en découlent ont influencé la manière dont nous plaçons nos couverts sur la table.
- La démocratisation de la fourchette : Avant la Révolution française, la fourchette était encore considérée comme un luxe réservé aux élites. Cependant, avec la chute de la monarchie et la montée de la bourgeoisie, cet ustensile devient un symbole de progrès et de modernité, et son usage se généralise dans l’ensemble de la population.
- Le service à la russe : Au XIXe siècle, le service à la russe, qui consiste à servir les plats les uns après les autres plutôt que tous en même temps, s’impose dans les tables européennes. Ce nouveau mode de service permet de mettre en valeur les talents culinaires de l’hôte et de donner plus d’importance à la présentation des plats. La disposition des couverts suit alors cette évolution, en s’adaptant aux différents services et en maintenant le placement traditionnel de la fourchette à gauche et du couteau à droite.
L’art de la table à l’ère de la mondialisation
Enfin, dans notre ère moderne, la mondialisation et les échanges culturels contribuent à diversifier les pratiques culinaires et les manières de dresser la table.
Si la règle de la fourchette à gauche et du couteau à droite reste la norme dans la plupart des pays occidentaux, d’autres cultures ont leurs propres traditions en matière de placement des couverts. Par exemple, dans la culture chinoise, les baguettes sont généralement placées horizontalement au-dessus de l’assiette ou du bol, tandis que la cuillère est placée à droite. De même, dans la culture indienne, il est courant de manger avec les doigts de la main droite, sans utiliser de couverts.
Néanmoins, même si les pratiques varient d’une culture à l’autre, l’essentiel reste le même : partager un repas est un moment convivial et chaleureux qui rassemble les gens autour de la table. Et c’est peut-être là l’aspect le plus important de l’art de la table, quelle que soit la manière dont on dispose les couverts.
Le placement traditionnel de la fourchette à gauche et du couteau à droite est le fruit d’une longue histoire, qui a traversé les époques et les cultures. Du Moyen Âge à la modernité, en passant par la Renaissance et la Révolution française, l’évolution des arts de la table témoigne de l’évolution de notre société et de nos valeurs. Aujourd’hui, face à la diversité des cultures et des pratiques culinaires, cette règle d’or perdure et reste un repère pour dresser une table élégante et accueillante.